Postillons #commedesfilles

6 mars 2024
Image tirée du livre Chère fille, de Amy Krouse Rosenthal et Paris Rosenthal, illustrations de Holly Hatam.
Image tirée du livre Chère fille, de Amy Krouse Rosenthal et Paris Rosenthal, illustrations de Holly Hatam.

Postillons #commedesfilles

6 mars 2024
Image tirée du livre Chère fille, de Amy Krouse Rosenthal et Paris Rosenthal, illustrations de Holly Hatam.
Image tirée du livre Chère fille, de Amy Krouse Rosenthal et Paris Rosenthal, illustrations de Holly Hatam.

Je lève ma main.

J’ai longuement réfléchi avant d’écrire cette Minute Papillon là, parce que, d’un coup que le monde entier ne soit pas en accord avec moi.

Il ne le sera pas. Je le sais. Et c’est tant mieux, parce qu’un monde dans lequel tout le monde serait en accord avec moi serait…

Parfait.

Vraiment plate, j’veux dire.

C’est une rencontre lors d’un tournage #commedesfilles qui m’a convaincue d’aller de l’avant (salut à cette prof en sciences politiques qui crée des espaces favorisant la prise de parole pour tou.tes et la cohabitation d’opinions divergentes dans ses cours) de même que la lecture du livre Les rois du silence de Olivier Niquet, où il cite notamment le physicien Michael Goldhaber, dans un chapitre intitulé « Les postillons de la polarisation ». Ça va comme suit :

« […] Nous vivons dans une économie de l’attention. […]. Lorsque vous avez l’attention, vous avez du pouvoir, et des gens vont essayer d’attirer beaucoup d’attention et réussir sans nécessairement l’utiliser à bon escient. »

Je serai transparente avec vous : ma prise de parole n’est pas anodine, je cherche moi aussi à gagner du capital d’attention…

De même qu’à emmerder le Français qui a écrit ce proverbe :

Le plus précieux ornement d’une fille est le silence.

Merci à toi Olivier d’avoir partagé, entre autres, ce proverbe dans ton livre. Ça me donne de l’énergie pour recycler mes ornements à bon escient (je l’espère).

J’aimerais donc, à travers cette Minute Papillon, partager une réflexion que j’aie eue suite à la lecture d’un billet de blogue dans lequel l’auteur entrepreneur se positionne par rapport à la gestion de son équipe, évoquant qu’il ne la considère pas comme sa famille, mais plutôt comme une équipe sportive. Voici des extraits de sa pensée :

« Dans une famille, l’idée même de surveiller et d’évaluer constamment les performances de chacun n’est pas quelque chose de normal.

[…]

C’est parce qu’en famille on privilégie généralement l’amour, le soutien et l’acceptation inconditionnelle plutôt que la performance et la compétitivité.

[…] Nous ne nous sommes jamais considérés comme une famille. Nous nous considérons plutôt comme une équipe sportive. Et non pas comme une petite équipe de ligue de garage, où tout le monde joue pour s’amuser et remporte un trophée de participation à la fin. Non, nous sommes et agissons comme une équipe de sport professionnelle qui souhaite jouer au plus haut niveau. Nous souhaitons devenir le leader de notre secteur d’activité et par conséquent, nous devons avoir la même obsession de réussir qu’ont les Olympiens – rien de moins. »

J’ai terminé la lecture de ce texte en me sentant plutôt en désaccord avec le propos, pour reprendre des termes de sondage.

Je me suis donc tournée vers quelques personnes de confiance pour en discuter, qui sont : soient coachs certifié.es pour gestionnaires, soit commentateur sportif professionnel, et j’ai regardé la série Ted Lasso.

Oui oui. Full scientifique ma démarche.

On m’a alors partagé un autre article, sur la relation entre un athlète olympique et son coach.

Laurent Dubreuil, athlète olympique, y confie notamment ceci :

« De te faire dire que tu as rendu fier ton coach quand tu as échoué, ça me parle beaucoup, dit-il. Ça vient te faire réaliser que ce n’est pas juste la médaille [qui compte] et que le coach t’aime pour vrai. C’est pour ça que je suis encore avec lui. »

Plus loin dans le même article, on peut lire :

« Gregor, pour moi, c’est comme mon deuxième père. C’est l’entraîneur le plus humain qui soit. »

Intéressant n’est-ce pas? Deux visions de la performance.

D’un côté, un entrepreneur nous dit que c’est absurde, pour reprendre ses mots, de considérer notre équipe de travail comme notre famille, et propose plutôt de la considérer comme une équipe de sport pour favoriser la performance.

Et, de l’autre, un athlète olympique nous dit apprécier son coach comme son père. Le coach en question étant aussi décrit comme suit « Voilà ce qui résume Gregor Jelonek, qui pratique son métier depuis près de 30 ans : le bien-être à tout prix, et non la performance à tout prix. »

Un genre de Ted Lasso ce Gregor Jelonek, on dirait.

J’en suis arrivée à la conclusion que, ce qui m’a dérangée dans le premier article est, à prime abord, le manque de nuance, de même qu’une vision du monde des affaires où la performance à tout prix est glorifiée et prend souvent le dessus sur les relations humaines, sans qu’on aborde les méfaits que ça peut avoir.

Aussi, je me questionne à savoir ce qui est innovant dans cette vision, particulièrement dans les conditions du monde actuel.

Comme entrepreneure, c’est vrai que la performance est importante, je ne peux le nier. Il reste que je suis, pour ma part et en toute transparence, constamment tiraillée entre être une mère de famille et une coach, entre miser sur la performance et la bienveillance. Peut-être qu’il y a des moments pour l’une et des moments pour l’autre?

J’ai aussi parfois l’impression d’être la coach de ma famille tsé, et il serait absolument malhonnête de ma part d’affirmer que j’y accepte tout inconditionnellement.

Bref, deux côtés à une médaille.

Pour revenir à la polarisation à laquelle fait référence Olivier Niquet, ça serait l’fun que des postillons plus diversifiés et nuancés contaminent davantage notre société et que tou.tes, hommes et femmes, ressentent un brin la responsabilité de « moucher le nez de l’humanité toute entière* », qui semble avoir pogné un bon rhume dans les dernières années.

*Cette expression est tirée d’un texte de Robin Morgan que j’ai eu à lire dans mon cours Pornographies et société, dans le cadre de mon Certificat en études critiques des sexualités à l’UQAM. J’ai presque fini de vous parler de ce certificat-là, il me reste juste deux cours et demi. Mon intention ici était simplement de plugger le mot pornographie, parce qu’à l’ère de l’économie de l’attention, ça peut être payant. En effet, c’est une industrie qui génère autour de 12 milliards de dollars par année aux États-Unis, soit un revenu supérieur aux revenus générés par le football, le baseball et le basketball, combinés (Williams, 2004), pour faire un lien avec le thème sportif de ce billet. V’là une gang qui a su se créer toute une équipe olympique, ou ben une famille, je vous laisse choisir selon votre vision du monde des affaires.

C’est tout, je baisse ma main maintenant. Merci de votre attention.